Crier-enfant-maison-3

Voici le 3ème volet de notre dossier sur les cris à la maison. Après avoir vu pourquoi crier ne sert à rien, puis évoqué quelques pistes pour travailler en amont et éviter les situations qui générent ces cris en nos maisons,  voyons aujourd'hui comment réagir sur le moment, lorsqu'en dépit de nos efforts pour éviter les situations de crises qui générent toutes ces décibels, la tempête fleur de peau est sur le point d'ébranler à nouveau le foyer.

1. N'attendez pas la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Intervenez rapidement.

Il n'est pas rare que la cocotte explose sur un tout petit détail quand le parent a le sentiment d'en avoir trop encaissé. La colère semble alors encore plus démesurée à l'enfant pour qui elle est une bien mauvaise leçon.

Intervenez rapidement. Il vaut mieux interrompre ce qui nous occupe et mettre le holà très rapidement plutôt que de fermer les yeux, sentir sa mâchoire se crisper de plus en plus à mesure que les frustrations s'accumulent et de se retrouver avec une colère démesurée à gérer.

2. Recentrez vous en vous éloignant avant d'intervenir.

Si vous n'avez pas pu intervenir assez tôt ou si le tsunami colère s'est emparé de vous sans prévenir, éloignez vous.

Il y des situations qui demandent que le parent intervienne sur le champ, mais si la moutarde vous monte au nez et que vous sentez arriver les tonnerres de cris alors que l'enfant ne court aucun danger immédiat, quittez tout de suite la pièce. Si vous êtes capable de le faire posément, dites lui comment vous vous sentez, ce que vous faites et pourquoi: "Je sens un très grosse colère montez en moi là tout de suite et je ne suis pas du tout d'accord avec la manière dont tu me parles / ce que je vois, je vais allez dans la cuisine pour me calmer et quand je reviendrai je serai prête à te parler calmement. J'espère que toi aussi"

Pratiquez quelques inspirations et expirations profondes et tentez de vous recentrer en tant que parent en écartant la réaction instinctive, primaire et parfois quasi animale qui, sur le moment, vous a fait bouillir le sang. Ancrez vous dans le moment présent et reconnectez vous à l'essentiel (la parentalité à laquelle vous aspirez) par la respiration en relativisant la gravité de ce qui a causé cette sourde colère à fleur de cris.

Certains y arrivent mieux par le chant. On peut aussi symboliquement souffler sa colère.

Un fois le conflit réglé, vous pourrez évoquer avec l'enfant ce qui s'est passé et lui expliquer à nouveau pourquoi vous avez eu besoin de vous écarter à ce moment là. Alors aura t-il lui aussi une technique à sa palette des possibles quand il sentira une grosse colère bouillir en lui.

3. Une fois votre tornade d'émotions écartée, rétablissez le contact avec l'enfant.

Pour éviter cette si désagréable sensation de parler dans le vide et de se répéter à l'infini, assurez vous que votre enfant est en mesure de vous écouter. Pour cela accroupissez vous à sa hauteur et assurez vous qu'il vous regarde lorsque vous lui parlez. Le contact visuel aide beaucoup à une communication réussie.

Si lui même est au milieu d'une tempête émotionnelle, chuchotez afin qu'il soit obligé de faire silence pour vous entendre. Vous éviterez ainsi l'escalade dans le ton.

L'enfant au milieu d'une colère est souvent dépassé par son intensité. C'est comme s'il perdait pied et c'est probablement aussi très effrayant pour lui. Alors qu'il rejète tout en bloc, il a parfois paradoxalement besoin d'un contact très rapproché comme le petit bébé qui s'apaise s'il est emmailloté ou porté en écharpe, rassuré par l'étroitesse des liens qui l'enserrent et qui lui rappellent sans doute sa douce vie in utero. Enlacez votre enfant. Il y a de grandes chances qu'il s'abandonne à l'étreinte et devienne alors plus réceptif à ce que vous avez à lui dire. ça ne demande pas beaucoup de temps et c'est très efficace. Lâchez tout (votre oeil constant sur l'horloge, les carottes qui ne peuvent pas attendre, la deuxième couche de vernis) juste quelques minutes, prenez le temps de cette communion avec l'enfant, de cette étreinte, offrez lui vos bras, votre épaule et vous aurez gagné des heures qui ne seront pas passées à batailler, à crier et à punir. Ce témoignage de tendresse au plus fort de la colère n'est pas un signe de faiblesse, au contraire il démontre une grande maitrise de sa personne et c'est une belle leçon pour l'enfant.

4. Choisissez vos batailles.

N'oubliez pas de ménager des respirations au tableau de vos exigences. Si vous venez de traverser une situation conflictuelle avec votre petit dernier pour qu'il se brosse les dents. Les jouets à ranger pourront peut être attendre le lendemain. Ces conflits, même bien gérés, peuvent être émotionnellement éreintants pour l'adulte ET l'enfant. Pensez aussi à créer du lien. Alternez ces moments qui peuvent se vivre comme des affrontements avec des moments de complicité, un dessin, une lecture partagés. Lui faire enfiler son manteau a été compliqué, laissez le se passer de gants et de bonnet jusqu'à ce que le froid les lui fasse réclamer.

5. Laissez passer l'orage.

Il y a des fois où il vaut mieux fuir les intempéries que de s'y risquer et les décupler. Si votre enfant est au milieu d'une grosse colère, vous pourriez risquer plus en l'y rejoignant qu'en la considérant comme une humeur atmosphérique dont sil vaut mieux se tenir éloigné jusqu'à ce qu'elle passe. Parfois l'irruption de colère est le seul moyen dont dispose l'enfant pour avancer. Comme s'il se purgeait de ce qui le mine pour pouvoir faire table rase et recommencer à nouveau. la grosse colère permet de repartir à partir du calme qui suit la tempête.

La colère est le repoussoir qui permet à l'enfant de se retrouver et de faire plus de place à la réconciliation, à la communication et au nouveau départ.

Lui laisser vivre sa colère à condition qu'elle ne nuise ni à lui même ni à autrui, peut aussi lui permettre de grandir. Alors devient il possible de mettre des mots sur cette tempête avec lui et de réfléchir à des stratégies pour la dépasser.

Car il ne s'agit pas de taire un sentiment aussi fort que la colère. Il s'agit de savoir la reconnaitre, en comprendre les causes et trouver des stratégies pour y faire face et en sortir, aussi bien pour le parent que pour l'enfant.

6. Oubliez les qu'en dira-t-on

Comme une malédiction inévitable, les plus grosses crises de colères parents-enfants se jouent souvent en public: à la caisse du supermarché, dans la salle d'attente du dentiste etc...

Dans ces contextes particuliers au lieu de réagir selon notre coeur et notre raison, nous sommes souvent conditionnés pour réagir tout soucieux du "qu'en dira t-on"? Peu importe ce que les autre en disent ou ce que vous pensiez qu'il en disent, l'essentiel est de se recentrer sur les besoins de l'enfant plutôt que d'afficher systématiquement la colère miroir qui semble attendue de vous.. A-t-il faim? Alors je lui accorde ce quignon de pain. Est-il fatigué? Alors j'abrège ma sortie shopping. A-t-il besoin d'être rassuré et entouré? Alors je l'enlace en dépit de ses cris et des regards.

7. Enrayez la mauvaise humeur qui couve la colère. Surprenez-le, surprenez-vous. Faites le clown.

Pour éviter l'escalade et désamorcer un conflit nourri de mauvaise humeur, changez de temps en temps de techniques et désarçonnez votre enfant par le rire. Jouez l'effet miroir et imitez le sans vous moquer ou parlez lui en imitant un personnage imaginaire. Faites en des tonnes jusqu'au fou rire. Parfois l'enfant a besoin d'un moyen de substitution pour évacuer le trop plein qu'il ressent, le rire peut se révéler être un parfait substitut aux cris qu'il lui arrive peut être trop souvent de vociférer dans ces cas là. Alors songez aux séances de chatouilles qui désamorcent et finissent par emporter tout le monde loin de la colère en permettant à l'énergie accumulée de s'évacuer. Une fois libéré de celle-ci, alors sera t-il plus à même de s'ancrer dans le moment présent et d'être à votre écoute.

8. Ayez confiance en votre indispensable autorité.

Ne confondez pas calme et laxisme .Évitez et/ou évacuer calmement les situations de conflit ne veut pas non plus dire devenir laxiste. Si parfois il sera plus efficace de louvoyer, de choisir ses batailles et de désamorcer, cela ne veut pas pour autant dire fermer les yeux sur les transgressions aux règles.

Les règles sont indispensables à une enfance harmonieuse et bien orchestrée. Les parents sont là pour en garantir le maintient.

Soyez fermes, consistants, solides et calmes. Si l'enfant cherche à enfreindre les règles, et il le fera, exprimez votre désaccord sans vous emporter. Apprenez à être ferme sans vous laisser gagner par vos émotions. Parfois il vaudra mieux afficher la couleur du "non" en taisant l'émotion qu'il fait habituellement naitre. Dissocier nos paroles ("Non! Cela ne va pas du tout! Stop") à notre ressenti ("grrrrrr ça fait monter en moi une colère hurlante") est un talent difficile auquel il faut s'entrainer afin de la garder à distance cette colère plutôt que de se laisser dévaster par elle. Ayez foi en la légitimité de vos émotions mais mettez y les rennes.

N'oubliez pas que les conflits peuvent aussi s'avérer être un mal pour un bien. Dans son livre J'arrête de râlerChristine Lewicki raconte:"Quand mon enfant dépasse les limites dans son comportement. Qu’il me fasse une crise à la caisse du magasin pour que j’achète des chewing-gums,  ou qu’il me défie avec un propos virulent,  je me souviens d’un conseil reçu de ma maman.  Les enfants ont besoin de se sentir en sécurité et de savoir qu’on est capable de poser un cadre solide autour d’eux pour les protéger de ce monde qu’ils ne maîtrisent pas. Un peu comme une barrière de balcon qui protège et empêche de tomber dans le vide. Régulièrement mon enfant va venir tester si la barrière est solide. A moi de lui prouver que c’est le cas. Si je crie et je m’énerve je créé l’effet inverse et provoque chez lui un sentiment d’angoisse et de peur. Donc je pose fermement la limite et je ne décroche pas de mon cadre. Il en a besoin pour être rassuré. "

N'oubliez pas non plus que le cri a besoin de garder de son efficacité en cas de danger immédiat, s'il est coutumier son efficacité s'émousse. Un peu comme dans l'histoire du petit garçon qui criait au loup.

Demain nous verrons comment cultiver l'intelligence émotionnelle de nos enfants au quotidien afin de leur apprendre à apprivoiser leurs sentiments et ceux des autres.