Roue-des-emotions

Après avoir conclu que nos cris étaient souvent vains, voire carrément nocifs, après avoir exploré les différents moyens de les éviter par un travail en amont, puis, après avoir énuméré un certain nombre de stratégies afin de ne pas s'y enliser lorsque la tempête grabuge vient frapper le foyer, voici le dernier volet de notre dossier de la semaine et sa série d'astuces au quotidien pour cultiver l'intelligence émotionnelle au sein de votre famille, afin de créer un climat bien plus propice à la joie et à la communion qu'à la tourmente de la colère qu'elle soit parentale ou infantile.

Cultivez l'intelligence émotionnelle

L'intelligence se manifeste sous bien des formes. Celle qui nous concerne ici est celle des émotions, savoir les lire, les comprendre, les gérer, serait d'après bien des spécialistes une des clés essentielles à l'équilibre de chaque être. Loin de vouloir les étouffer, les lisser, il s'agit donc d'apprendre à les aborder.

Ne pas bannir les émotions mais apprendre à les dompter

Si les diverses démarches proposées dans le cadre de nos quatre articles thématiques visent à cadrer les manifestations intempestives de la mauvaise humeur et notamment de la colère de l'enfant (tapage, cris, non respect de son environnement, de soi même ou d'autrui) qui presque systématiquement éveille celle de l'adulte, cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille la bâillonner. Le but n'est pas que l'enfant perde contact avec ses émotions. Il ne s'agit par de bannir ses ressentis. En effet, tout l'éventail des émotions doit pouvoir s'ouvrir à l'enfant sans qu'il s'en sente coupable. Les sentiments souvent répertoriés comme des sentiments négatifs, tels que la jalousie, la peur et l'avidité sont des occasions de grandir, de comprendre qui nous sommes et de devenir de meilleures personnes.

Il est important que les enfants aient confiance en la légitimité de leurs émotions pour savoir les dompter et trouver le mode le plus approprié pour les exprimer dans le respect de l'autre et de soi.

Il ne s'agit pas de leur dire comment ils devraient se sentir parce que cela pourrait faire en sorte qu'il ne fasse plus confiance à leur propre ressenti ou qu'ils se sentent coupables pour des sentiments qu'ils ne sauraient réfréner et qui sont utiles pour l'aider à se définir sur la voie de l'autonomie.

Aidez-les au contraire à entrer en contact avec leurs sentiments. Soulignez que le sentiment ressenti n'est pas le problème, c'est le comportement qui en découle qui pose problème.

Jugez le sentiment érigerait une barrière entre l'enfant et vous. Dans vos propos montrez bien que c'est l'action que vous condamnez, ce que l'enfant a fait, et non ce qu'il ressent et ce qu'il est est.

Les mots pour le dire

Tout comme le parent soutient son enfant dans l'apprentissage de la marche, tout comme il l'encourage et le guide dans celui du tracé des lettres, pareil à la manière dont il saura être présent au fil des nombreuses étapes qui ponctuent l'enfance, il est important que le parent veille aussi à travailler l'intelligence émotionnelle de son enfant, cette capacité à reconnaitre nos propres émotions et celles des autres.

Pour cela il faut l'aider à mettre des mots sur son ressenti: "Tu te sens ... Moi aussi quand ..., je me sens... Qu'est ce qu'on pourrait faire pour que ça aille mieux? Et si..."

Cette manière de procéder présente deux avantages. D'abord elle vous permet de faire en sorte que votre enfant se sente compris. Un pont s'érige entre vous et lui et parfois il ne suffit que de ça pour que la situation s'apaise. Ensuite, elle apprend à votre enfant à étiqueter ses émotions pour mieux les comprendre et les maitriser en cherchant des solutions.

Cette capacité est d'un grand secours dans les fratries. Plus elle sera développée et moins le parent sera appelé à agir en tant que grand juge arbitre des querelles fratricides. Les enfants dont l'intelligence émotionnelle aura été sollicitée et travaillée seront plus à même de gérer leurs conflits entre frères et sœurs sans tanner leurs parents pour qu'ils y prennent part et y mêlent leurs propres cris.

Des livres à notre secours

N'attendez pas que les situations de crises fassent rage pour parler émotions avec l'enfant. Travaillez aussi en amont. Il existe pléthore de petits livres très bien faits sur le sujet.

Développer ses émotions par le biais d'une activité manuelle: La roue des émotions

Vous pouvez aussi aborder le sujet de manière créative en créant avec lui une roue des émotions.

De quoi j'ai besoin?

- un compas

- un cutter

- du carton

- une attache parisienne

- un boulon

- autant de couleurs que d'émotions recensées

Comment faire?

-Recensez avec votre enfant les émotions qu'il ressent au quotidien. Vous pouvez les mimer pour le guider, puis lui demander de les mimer à son tour lorsque vous relirez la liste rédigée ensemble.

-Découpez un cercle de carton.

-Sur ce cercle tracez autant de quartiers que vous aurez recensé d'émotions et laissez votre enfant les peindre chacun d'une couleur différente. Pour l'aider à ne pas déborder vous pouvez joindre deux bandes de carton en un angle égal à celui de vos quartiers. Vous pouvez garder une ou deux cases vierges sans aucune émotion attitrée, afin de pouvoir ajouter à votre panel celles qui pourraient se rappeler à vous un peu plus tard ou celles qui se manifestent de manière ponctuelle.

-Une fois la peinture sèche, demandez lui de réfléchir à une association couleur/sentiment. La joie sera t-elle jaune, rouge ou verte? Et la colère?

- Fixez le cercle des émotions en son centre à un carré de carton à l'aide d'une attache parisienne en plaçant un boulon entre le carré de carton et le cercle.

 L'usage de cette roue des émotions peut être multiple. Il peut d'abord être narratif: L'enfant fait tourner la roue et évoque un souvenir associé à l'émotion sur laquelle il tombe. Il peut aussi être ludique et plutôt que de parler, l'enfant mime l'émotion sur laquelle la flêche s'est arrêtée. Il peut enfin, de manière pratique, viser à sensibiliser chaque membre de la famille aux humeurs des autres. Si chacun crée sa propre roue alors elles peuvent être utilisée tels de baromètres de l'humeur du moment et offrir un point d'ancrage à l'échange et à une communication éclairée et réussie.

Cultivez les petits bonheurs et vos sentiments les meilleurs

Dans son ouvrage Everyday Blessings: The Inner Works of Mindful Parenting, le docteur Kabat-Zinn affirme que la raison pour laquelle un enfant en colère nous met si facilement hors de nous est que nous sommes dotés des neurones miroirs qui réfléchissent les émotions dont nous sommes témoins. Ainsi captées, elles agiraient alors de façon quasi virale. D'où l'importance de cultiver la joie et les rires si on espère récolter le bonheur et la sérénité. Afin de vous éloigner des ornières de la colère, il semblerait que choisir de mettre à l'honneur la gratitude, le pardon et l'optimisme au sein de votre famille soit encore la meilleure option. Cela se vit au quotidien et peut prendre la forme de petits rituels.

Les petits plaisirs

Multipliez les occasions de cultiver les plaisirs simples qui font l'enfance belle. Égrainez ces 100 petits plaisirs d'enfance là ou ces 50 autres axés pleine nature ici, et faites le compte, combien aimeriez vous partager?

"Aujourd'hui, ce que j'ai préféré..."

Le soir, après l'histoire, réunissez votre petit monde dans un lieu douillet, un bord de couette, un coin d'oreiller, puis tour à tour racontez vous vos trois moments préférés de la journée. Du grand exploit, à l'infime plaisir. Évoquez ces instants de grâce, de réussite, de joie. Les émotions y auront la part belle. Avec un peu de pratique, chaque membre de la famille s'en trouvera plus réceptif et cultivera ces petits moments de grâce pour encore mieux les partager le temps du petit rituel du soir venu. Le partage ouvre aussi la voie de la compassion, c'est à dire la faculté de comprendre et de partager l'émotion d'autrui. Un jour où l'un de nous avait passé une mauvaise journée et ne trouvait rien à dire, ma fille s'exclama soudain "Oh!!! Attends, je vais te faire un bisou." "Aujourd'hui, ce que j'ai préféré, c'est le bisous que tu viens de me faire." Connect.

La boîte à gratitude

Si tous les membres de la famille ne peuvent pas se retrouver à un même moment le soir, si les emplois du temps sont compliqués, cette même idée peut se décliner sous la forme d'une boîte à gratitude. Invitez tous les membres de la famille à noter sur un petit morceau de papier à glisser dans une boite prévue à cet effet un petit bonheur, même fugace, puis déterminez un moment où toute la famille peut se retrouver sans être pressés par le temps pour tirer quelques papiers de cette boite et célébrer les plaisirs qui peut être se seraient effacés des mémoires sans cela.

La ronde des appréciations

Choisissez un jour dans le mois, la semaine ou la journée, à table, au salon ou à l'heure du coucher, à tour de rôle, chacun devra exprimer un compliment à l'égard de chaque autre membre de la famille. Cette ronde des appréciations peut aussi prendre la forme d'une compilation écrite pour les enfants plus grands. Dédiez un petit carnet à chaque membre de la famille et exigez que chacun rédige au moins quelque chose de positif dans le carnet de chacun des autres membres de la famille au rythme qui conviendra le mieux à tous, une fois par jour, par semaine, par mois. Au bout de quelque temps, chacun aura un trésor de mots rédigés par les siens.

Une question d'angle: la positive attitude

Choisissez vos mots et votre approche pour guider votre enfant vers l'auto-motivation plutôt que par le chantage ou les récompenses externes. Se sentir utile, valorisé et apprécié sera un levier de motivation bien plus puissant que de se sentir harcelé, menacé et commandé. Un "Tu vas mettre la table, et MAINTENANT!" appelle presque au lever de bouclier automatique dans sa formulation. Alors qu'avec un "puisque tout le monde a faim, j'ai une idée, ce qui aiderait vraiment à avancer l'heure du diner, ce serait que tu mettes la table, tu ne crois pas?" l'enfant n'est plus face à un ordre mais à une proposition de collaboration qui va dans le sens de l'intérêt individuel et collectif. Tout est une question d'angle d'approche.


Ces pistes sont multiples et si elles semblent parfois contradictoires c'est que chacune dépend de la situation, des circonstances, des personnes concernées. A vous de vous de les tester, de les marier, de les accommoder, jusqu'à trouver votre propre recette parentale. Ainsi, vous pourrez affirmer: "Oui j'ai des principes éducatifs, mais j'ai surtout des trucs, des astuces, des techniques qui, la plupart du temps; me tiennent loin de la tourmente des cris."