Arrivée surprise et prématurée du petit noé (31sa)

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\ Accouchement du 11 août 2012
t Durée : 1 heure
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Je suis une jeune maman de 27 ans, je vis à l'étranger depuis presque 3 ans.

Lorsque mon mari m'a dit "oui" pour se lancer dans les essais bébé, je ne pensais pas que cela arriverait si vite. L'implant est enlevé en juillet 2011, on n'essaye pas pendant le 1er mois pour laisser mon corps reprendre un rythme naturel.
1ère ovulation et tentative, 2 semaines après, tests positifs. Je suis enceinte et aux anges. Malheureusement, des hauts et des bas, le coeur du bébé qui bat tardivement, des allers-retours à l'hôpital, et une mort in utero annoncée à 10SA, pour une fausse couche naturelle à la maison à 11SA.

Je suis dévastée, déprimée, je ne comprends pas comment cela peut nous arriver, nous qui sommes en bonne santé, jeunes, et apparemment fertiles.

Après une période courte de deuil, nous reprenons les essais, pour oublier. Encore une fois, 1er essai, et tests positifs.

Cette fois, nous le gardons pour nous et les plus proches jusqu'aux 12 SA. J'ai peur. A la moindre alerte, je file à l'hôpital. La 1ère grossesse a laissé des marques.

Je saigne parfois, j'ai un col fragile. Puis un hématome, je reste chez moi 1 semaine. Le reste de la grossesse se passe normalement, quelques coups de stress pour des douleurs, ou un besoin de voir mon bébé en échographie (j'en aurais eu une par mois au minimum). Je suis souvent malade, fragile, fatiguée.

Echographie des 12 SA "c'est une fille, c'est sûr à 80% madame". Je suis ravie, le prénom est trouvé. Echographie du 2ème trimestre: "vous voulez connaître le sexe?" "non, vous m'aviez dit la dernière fois que c'était une fille"  "ah non, c'est un petit garçon, regardez, c'est son pénis là!"  Je tombe des nues, mon mari aussi. Je me mets à rire et pleurer en même temps, lui est aussi pris d'un fou rire. La galère des prénoms commence!

J'imagine mon accouchement, un accouchement par voie basse, sans péridurale, comme ma mère l'a fait 4 fois. C'est mon rêve depuis plus de 4 ans. Je lis beaucoup de récits d'accouchement, je regarde avec mon mari des reportages sur l'intérieur des maternités. Nous ne pensions pas à quel point nous serions préparés grâce à cela pour la suite des évènements.

Le 9 août, jour des 29 ans du papa, nous allons faire la visite et l'échographie du 3ème trimestre. Je suis à 31SA. Nos mamans sont là en vacances, alors on en profite pour les amener toutes les deux. L'échographie est normale au début, il a une bonne bouille en 3D. Puis l'échographe arrive aux artères ombilicales. Elle me dit qu'il y a un souci. Elle re regarde. Le doppler ombilical est à 0.75 au lieu des 0.70 maximum. Cela veut dire que le bébé reçoit juste un petit peu moins d'oxygène et de nutriments, il y a une petite résistance. "Rien de grave, il faut juste suivre, mais la gynéco vous ré expliquera". Je suis inquiète et atterrée, mais essaye de ne pas trop le montrer. On m'a tout expliqué en vietnamien, ma mère me ré expliquait, et il a fallu traduire à mon mari et sa mère. Nous attendons notre tour.

La gynéco me dit que la résistance est très proche de la limite, ce n'est pas trop grave. Le but est de tenir 3 semaines de plus au minimum. C'est très possible, il faut surveiller toutes les semaines désormais. Elle me prescrit néanmoins des corticoïdes en piqûres au cas où, pour accélérer la maturation des poumons sur les prochaines 48h. Ce geste va sauver notre bébé je pense.

Mon mari part le lendemain en voyage dans le nord du pays avec ses parents. Il part dans une partie du pays avec des routes en mauvais état, assez loin de l'aéroport de la capitale (environ 7h de voiture sur des routes de fortune). Nous pensons avoir 3 semaines de plus, alors pourquoi annuler les vacances?

Le samedi 11 août au matin, je suis inquiète. J'ai passé une mauvaise nuit. Le petit tapait dans mon ventre à heures régulières d'habitude, et pas cette fois. Je pars donc à l'hôpital avec mes parents (sous prétexte d'amener ma mère aux urgences car elle a très mal au ventre... je ne voulais pas les inquiéter). Je monte en gynéco, la gynéco de garde des auscultations me dit que tout va bien a priori, je demande donc un monito au cas où. Elle me raille un peu, mais le prescrit.

Je monte donc en maternité où on me pose le monito pour 40min. Se succèdent des sage femmes, la gynéco obs de garde, apparemment la courbe cardiaque du petit est irrégulière, mais je ne comprends pas trop ce que cela signifie. Il est 11h du matin. On me garde plus que les 40min, je sens que quelque chose ne va pas. La gynéco m'explique que cela n'est pas bon signe, il semble que le bébé fasse une détresse cardiaque. Mais au vu du terme, il est trop tôt, on surveille donc encore plus longtemps... Elle appelle ma gynéco habituelle, le chef de la gynéco, 2 autres collègues pour demander des conseils. La décision tombe "on doit faire une césarienne aujourd'hui, avec 50% de chance qu'il vive, et 50% de chance qu'il ne tienne pas. Sinon il peut décéder dans votre ventre".

Le choc, heureusement que mes parents sont avec moi. Cela aurait été plus dur sans mon mari si eux avaient été en France... Je peine à contacter mon mari. Je l'avais tenu au courant tout le long, avec le peu de batterie que nous avions tous les deux. Il éclate en sanglots au téléphone. Il fait demi tour, et essaye de prendre le premier avion, mais il y a 7h de voiture, et il est déjà tard, le dernier vol est à 20h30. Il risque de n'arriver que le lendemain.

On me prépare pour la césarienne: une infirmière vient me raser là où les médecins couperont, elle me met un cathéter (quelle horreur! je n'ai pas souffert, mais ce n'est pas agréable! J'ai l'impression que le tube fait des km!)

L'anesthésiste vient me voir, m'explique que j'aurais une rachi anesthésie, un peu comme une péridurale mais on pique à un endroit différent. La pédiatre de garde vient me voir, et m'explique les risques liés à la prématurité et ce qu'il va se passer. On va sortir le bébé, et a priori, on l'emmènera tout de suite en unité intensive néonatale. Il devrait avoir du mal à respirer seul dû à son âge. Ils devront peut-être l'intuber.

Je suis préparée, les reportages Au coeur des maternités m'avait préparée. On y voit des prématurés, les sons, les machines, les couveuses...Je sais aussi les risques, que c'est dur à voir.

On me descend dans le bloc opératoire, je fais un dernier bisou à mes parents avant de ne plus les voir. Mon papa et ma maman souriants et confiants sera la dernière chose rassurante que je verrais avant mon retour du bloc.

C'est étonnant, la pièce est froide, j'ai froid dans ma chemise d'hôpital. Le personnel est bienveillant et discute, rigole joyeusement en préparant tout.

L'anesthésiste m'explique comment m'assoir sur la table pour me faire la rachi. Assise un peu penchée en avant, les mains en appui sur les côtés. Je vois un long tube fin, comme une aiguille "c'est avec ça que vous allez me piquer??? c'est TRES long!" "non, c'est ce que je mettrais après avoir piqué, vous verrez ça sera rapide, l'aiguille est beaucoup plus petite, n'ayez pas peur". OK. "Respirez bien, détendez vous". OK. Je sens un truc appuyer dans ma colonne, s'enfoncer dans mon dos, l'anesthésiste appuie encore. Je l'entends dire "ça veut pas rentrer plus, zut, elle a la colonne épaisse"... OK. Pas de panique. Après quelques secondes qui me paraissent une éternité, elle me dit "c'est bon, si vous avez des nausées ou que ça ne va pas, dites le moi tout de suite". Je m'allonge, en effet, des nausées très fortes arrivent. Elle m'injecte un je-ne-sais-quoi qui me soulage tout de suite. J'oubliais, j'ai très mal à la main, on m'a mal mis une perf dans les mains (j'ai des veines minuscules et dures à trouver... alors le plus rapide ce sont les mains...). Elle est bougée, réajustée, c'est TRES douloureux, je ne hurle jamais dans la douleur, c'est la première fois que je le fais.

La gynéco m'ouvre, je ne vois rien, il y a un rideau tiré entre ma tête et le reste de mon corps. Je les sens tirer sur quelque chose "il a des longues jambes, il veut pas sortir". L'anesthésiste les aide à pousser par le haut vu qu'elle est derrière ma tête. La situation est cocasse et me fait rire. Ca fait du bien. Et là j'entends son cri. Très fort. La gynéco et toute l'équipe me félicitent. Il est 18h33. Mais pas de temps à perdre, il faut l'emmener en unité néonatale. La pédiatre à son équipe "montrez le bébé à sa maman avant de le descendre". Il avait des vêtements d'hôpital vu que nous n'avions rien prévu, un petit bonnet et un gilet. Il est si petit! Un petit visage rouge, son bonnet a l'air plus grand que lui. J'ai à peine le temps de voir un bout de son visage qu'ils doivent l'emmener... Je suis triste, j'aurais aimé l'avoir contre moi, mais sa vie est en jeu.

"C'est bien, il a crié fort, il ira bien votre petit". La gynéco est rassurante pendant qu'elle me referme. Cela aura duré moins d'1 heure au total.

Je veux faire la guerrière, la femme forte, cela cache mes sentiments car je suis épuisée et triste, on est loin de mon accouchement de rêve. Je veux mon bébé. Je veux mon mari. Je me soulève presque seule pour passer sur le brancard. On me félicite. Apparemment c'est du jamais vu après une césarienne. Je suis encore sous effet de l'anesthésie, mais je sens effectivement que ça tire... et je le fais à la force des bras puisque le bas de mon tronc ne répond pas.

Salle de réveil, je suis seule. Des infirmiers se relaient pour venir me voir. Je ne dors pas, je veux mes parents...je fais tout pour bouger mes jambes, on ne me fera monter qu'à cette seule condition... je force, un orteil bouge. La sensation revient petit à petit. Je me mets à pleurer. Les hormones, l'émotion, le choc. Pas de nouvelle de mon bébé. L'équipe soignante est incapable de m'en donner. Ils voient ma détresse et appelle l'unité néonatale. Mon bébé va bien compte tenu de la situation.

Je peux enfin rebouger mes jambes après un laps de temps interminable (quelques heures). Je vois mes parents là où ils m'ont laissée auparavant. Ils ont le sourire (mes parents sont des gens forts et admirables, ils l'ont toujours été). "Il a le visage de son père et ses longues jambes! elles sont vraiment très longues par rapport à son corps!"

Mon mari aura réussi à avoir un avion en retard, il arrivera à 4h du matin. J'ai mal au corps, j'ai mal au coeur...Il me faudra attendre le 13 pour pouvoir descendre voir mon bébé, environ 36h de plus. Avant cela je n'avais pas le droit de me lever. Mon mari m'amenait des photos. Cette petite chose sortie trop tôt de mon ventre pesait 1,430kg et mesurait 38cm. Noé est intubé, il a la maladie des membranes hyalines, il ne peut pas respirer seul.

S'en suit 5 semaines de progrès (et 2 petits pas en arrière), et Noé rentre avec nous à la maison le 15 septembre...

Il est mon soleil, ses sourires illuminent ma vie et celle de mon mari. Aujourd'hui, en écrivant ce récit, je ne peux pas m'empêcher de pleurer. Cet accouchement imprévu est toujours une douleur. J'ai été suivie pendant 5 semaines par une psychologue. Cela reste un deuil à faire pour moi: deuil de ma petite fille imaginaire, deuil de mon accouchement.

Il a 3 mois et presque 3 semaines, et il progresse bien. A priori pour le moment pas de séquelles à prévoir, mais suivi à faire régulièrement.

J'ai toujours mal dans mon ventre, la césarienne est cicatrisée à l'extérieur mais pas encore à l'intérieur. Et j'ai fait la femme forte, j'ai beaucoup forcé pendant les 5 semaines à l'hôpital, et encore aujourd'hui. Mais je ne regrette pas, j'ai pu voir mon bébé tous les jours au moins 3-4 fois par jour... certaines mamans dans le service ne pouvaient pas (ne forçaient pas). Mon bébé a progressé tous les jours, et je suis persuadée que c'est grâce à la présence importante et l'amour de ses parents.

Bibou_assis
67 pts

Commentaires

  • Thomas Merci pour ton récit. Très touchant. Vive Noé!!
    il y a plus de 11 ans
  • toroko16 Merci Thomas. Ça fait du bien de le mettre par écrit ! Si ça peut servir à quelqu'un... c'est assez rare et sa s antécédent ce problème qu'on a eu... et vive Noe oui ! Il s'est bien battu pour sa vie... on a vu des cas durs en neonat...
    il y a plus de 11 ans
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