Pourquoi tant de mystère sur l'accouchement ?!

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\ Accouchement du 23 août 2014
t Durée : 5 heures

"Devenir maman, c'est être partagée entre un bonheur infini et une angoisse silencieuse qui plus jamais ne vous quitte."

Pour ma part, j'ai longtemps cru que j'étais de ces personnes "étranges" comme pas "normales".

Devenir mère était, somme toute quelque chose de magnifique à mes yeux, mais surtout un acte mystique, très angoissant et abstrait

C'est ainsi, que de ce postulat, il m'a fallu accomplir un long chemin personnel entre le moment où l'idée de devenir mère à germer dans mon esprit, au point de devenir un besoin viscérale et physiologique, et le temps où cette idée est parvenue à germer dans mon coeur. Et puis, un jour, à l'aube de mes 28 ans, je me réveille un matin au bruit d'un "tic tac" qui se fait de plus en plus lancinant. L'horloge biologique se réveille et vous fait prendre conscience que votre vie est en train de passer à côté de l'essentiel. Décision est prise de devenir mère.

2 cycles ont suffi à tomber enceinte. On m'avait pourtant dit, et j'avais lu un peu partout (forum, livres) que tomber enceinte était difficile, long et incertain. Me voilà, donc prise au dépourvu par la rapidité de mon corps à exécuter "son devoir" de devenir mère. Comme si mon corps attendait depuis longtemps en silence, ce que mon esprit lui avait du mal à prendre conscience.

1er sentiment mitigé à la découverte du test positif, précieux césame vers une longue et magnifique aventure de neuf mois. Sentiment ambivalent : d'abord une joie extrême qui vous donne des ailes, et vous plonge dans une sorte d'euphorie incontrôlable de rire et de pleures de joie. Puis, progressivement : l'angoisse, la peur... "Ai-je bien fait ?, Suis-je prête ?, Serais-je une bonne mère?".

Et de cette ambivalence, il faudra s'accomoder car être mère suppose d'être tiraillée entre le plus beau bonheur du monde qui vous comble et vous transcende, et cette peur de l'inconnu et de l'incroyable défi que la vie vous lance.

L'accouchement n'échappe pas à ce sentiment.

Pour moi il en a même été l'apogée. Pourquoi ? Parce que selon moi, on ne prépare pas assez les futures mères à ce qui les attendent. Et à côté de cela, le tord de la jeune future mère est de ne pas assez s'écouter et davantage écouter les autres. Les mêmes qui vous culpabilisent ne pas allaiter quand vous ne le voulez pas encore, alors que eux n'ont jamais allaité, et vous reproche ensuite d'allaiter trop longtemps car cela ne se fait pas d'allaiter un enfant de 12 mois.

9 mois d'une grossesse magnifique. J'ai adoré être enceinte. Moi qui n'aime pas mon corps. Ce corps qui ne correspond pas au stéréotypes sociaux, ceux qui font de vous une personne "belle dans son 38 et dans la norme". Je ne me suis jamais aussi sentie aussi épanouie et à l'aise qu'avec mon gros ventre et ma démarche de cow-boy. Peu m'importait le regard des gens, les bouffées de chaleur, les jambes lourdes, les montées de lait précoce.

En personne très appliquée et conditionnée par le système, j'ai suivi la préparation à l'accouchement. J'ai lu des livres, vu des documentaires et des vidéos.

J'ai donc appris à souffler, à reconnaitre une contraction. J'ai bien préparé ma valise des mois à l'avance et rendu vert mon banquier dans des actes d'achats compulsifs de femme enceinte, mais rien de cela ne m'a préparé à ce que j'allais vivre. Pas même ma mère, à qui je demandais pourtant souvent : "Maman, ça fait quoi d'accoucher?".

Silence radio. Personne ne vous dit mot. Secret de femmes ?

Le 23 août 2010, je me lève. Je vais aux toilettes. C'est étrange, je viens de me faire pipi dessus sans pouvoir me retenir. Je vais dans la salle de bain me nettoyer, et voilà que ça recommence... Et puis, je réalise : Non, je ne suis pas devenue incontinente ! C'est du liquide amiotique. Ma poche des eaux est perçée.

Il est temps, à 15 jours de mon terme, de réveiller mon conjoint et d'aller à la maternité voir ce qui se trame dans mon corps. Est-ce mon petit passager clandestin qui veut enfin sortir ? Pour le moment, je ne ressents aucune contraction. D'ailleurs, de toute ma grossesse je n'ai jamais réussi à en identifier une seule.

Arrivée à la maternité, dimanche matin, 11h. Il fait chaud et lourd.

On m'examine. Désagrable spéculum en espèce de plastique transparent. Pas le temps de le poser que cela reprend : un jet de liquide et le spéculum est projetté dans la salle d'examen. La sage femme manque de peu de le recevoir en pleine tête, et j'avoue que j'ai honte. Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu honte, habituée à montrer la partie la plus secrète de mon anatomie à des dizaines de visages inconnus. Quand on est enceinte, on a neuf mois pour oublier la signification du mot "pudeur". Mais là, à cet instant, j'ai honte.

La sage femme me rassure, et elle enchaine ainsi : "Madame, votre poche est bien fissurée. Ce qui signifie que l'on vous garde".

Me voilà partie, pour 24h d'attente en chambre que la demoiselle se déclenche de manière naturelle. Et j'avoue, que si j'avais su ce qui m'attendais ensuite, j'aurai marché et escaladé le mont Everest si il l'avait fallu, pourvu que ça se déclenche.

Au lieu de cela, j'ai attendu. Et rien. Une nuit sans dormir, tout exitée à l'idée que d'ici 24 heures je rencontrerais ma fille, enchainant les monitos et la prise d'antibiotique.

Lundi matin : la décision tombe. Je suis programmée à 13h pour la mise en place d'une perfusion d'ocytocines en salle d'accouchement. On m'invite à me laver, passer une blouse. Mon conjoint, quant à lui à pour mission de se "déguiser en chirurgien" dans des protections jetables de bloc aux couleurs bleues. Personne ne m'a bien expliqué en quoi consistait cette méthode de déclenchement par ailleurs. Peu nous importe à cet instant : on rit, on se prend en photo ... De vrais ados prébubères sous adrénaline pure !

13H : me voilà dans une salle qui n'a rien à voir à ce qu'on m'avait dit à la préparation à l'accouchement. Pas de lit moelleux, de draps ... Non, cela ressemble à un bloc. Il fait froid. Mur et sol carrelé. Table en fer, et appareils en tout genre.

Je commence à avoir peur, et le stress monte pendant 30 min, le temps que la sage femme ne revienne.

On me pose la perfusion, le tensiomètre, le cathéter ... Et là, j'apprends que je suis condamnée à ne pas pouvoir me lever. Pas de ballons, pas de marche : me voilà allonger à attendre les fameuses contractions dont personnes n'osent jamais vous en dire plus.

Il pleut, le vent se lève. Je me rappelle avoir contempler ce spectacle du ciel au dehors pour palier à l'ennui.

Voilà, 13H45 : je suis appareillée de tout part et le monito commence à relever des contractions.

Ca démarre fort, pas le temps d'apprivoiser les contractions. Ca fait mal, mon ventre devient un ballon de rugby : il pointe, se durcit. Je suis comme ceinturée, écrasée. Une douleur de règle dans le bas ventre puissance 1000. Mais je garde mon sang froid : je vais y arriver. Chacune de ces contractions approche mon bébé de la sortie, c'est mon leitmotiv. Et puis, cela ne durera pas toute la vie.

Je sens la contraction venir, je l'accueille. Je respire à fond, je me concentre, je l'apprivoise et elle passe.

Finalement, le plus inconfortable dans ce travail, c'est l'immobilité. J'ai mal aux fesses sur cette table froide, métallique et dur. Je ne peux pas me tourner sinon le monito ne prend plus...

Les heures passent et je contracte bien. Le col s'ouvre 1cm par heure, normal.

Me voilà à 3cm. On me propose la péridurale. Au final, je gère bien. Je trouve cela inutile mais on me dit que c'est recommandé car le travail va devenir radicalement douloureux, surtout pour un déclenchement. Alors, j'acquiesse.

Quelle horreur cette péridurale ! Déjà ça m'a fait mal. Pourtant je m'en faisais pas toute une histoire de ce truc.

Je me suis fait presque enguirlandée parce que par reflexe je sursautais en sentant dans mon dos comme si on me grattait un os avec un instrument : ça grinçait. Et puis, je sens comme si on passait un fil dans le bas du dos à droite, vers le rein. C'est horriblement douloureux, alors j'ose le signaler. "C'est normal madame, ça ira mieux dans 10 min."

10 minutes se passent, je ne sens aucun effet de cette "miraculeuse" péridurale. En revanche, j'ai la tête qui tourne, envie de vomir ... Je commence à partir, m'évanouir...

La sage femme s'affole, elle court dans tous les sens. Mon conjoint n'est pas là car on l'a mis dehors tout ce temps, et j'ai peur seule sans savoir pourquoi mon corps me lache et pourquoi la sage femme est si inquiète. D'ailleurs, je me demande pourquoi un conjoint je peux pas être là durant l'anésthésie : il a le droit en revanche d'être inviter à regarder votre intimité lors du passage du bébé : "Monsieur, vous voulez voir la tête de votre bébé?". Mais personne ne demande à la femme si elle est d'accord que son conjoint vous voit ainsi au risque de tuer sa libido pour toujours à votre égard dans un souvenir massacreur.

Ca a duré 10 longues minutes : on m'a relevée, aspergée d'eau... Et c'est passé.

"C'est normal madame, ça arrive". Très bien, placide, je m'accomode de ce "c'est normal".

Mon conjoint revient et je suis rassurée. Je reprends le cours de mon travail. Les contractions sont de plus en plus douloureuses et raprochées. La péridurale ne produit aucun effet, mais on m'a promis que l'anésthésiste reviendrait vite. En attendant, on me reperçe ma poche : au cas où ?

Non, il y n'y a plus de liquide. C'est déclaré, je suis à sec.

On me sonde pour me vider la vessie, et comme chacun des examens de la sage femme, c'est ce qui me fait le plus mal comparé aux contractions. Elle n'est pas très douce.

Elle me pose enfin un tampon pour maturer le col un peu plus. Ca chauffe dans tout mon corps, comme si ma température atteignait les 50 degrés. Je le prends sur le ton de la plaisanterie "vous croyez que je me transforme en X-MEN ?"

Je suis à 5cm, 4h de travail.

17H50 : je reçois comme un cou dans le vagin. La douleur est affreuse.

Mon conjoint sonne. Personne.

Enchainement de deux contractions et je sens que ça pousse malgré moi. Il court chercher la sage femme qui, en arrivant, ne me prend pas au sérieu :"Madame, vous étiez à 5 il y a 15 minutes..."

Elle m'examine enfin ... Et sa tête se décompose autant que la mienne : "5,6, 7 ... On est à complète, la tête est là ..."

Deuxième fois qu'elle se décompose sous mes yeux. Deuxième fois que je m'inquiète.

Elle me demande d'attendre, de ne pas pousser car elle n'est pas prête. Mais, moi, je n'y arrive pas à ne pas pousser. Ca pousse tout seul. Et j'ai mal comme jamais je n'ai eu mal dans ma vie, la seule chose qui me soulage c'est de pousser. Elle ne peut pas me demander ça ?!

3 longues minutes et elle casse enfin la table. "Madame mettez vos pieds dans les étriers et remontez vous plus haut". J'ai mal, c'est atroce. Je ne controle pu rien : ni ma respisration, ni mon corps et encore moins la douleur. Et j'ai beau essayer de me hisser, je n'y arrive pas.

Heureusement, mon conjoint m'aide. Il me saisi le bras fermement et me regarde dans les yeux. Je me souviens de ces mots :

"Chérie, tu vas y arrivé. Je sais que tu as mal. Je ne peux pas prendre ce mal mais je vais t'aider. Tu vas remonté plus haut, respire et calme toi."

Je n'y serai pas arrivée sans ses mots. Il m'a calmé, il m'a aidé. Tendu la main quand j'en avais besoin alors que tous les autres, formés à l'exercice, m'avaient abandonnée à moi-même.

De là j'ai poussé 20 min. On m'a dit que je poussais mal parce que je ne poussais pas 3 fois dans une contraction, mais une seule fois tout du long sans m'arrêter. Finalement ce n'était pas X-MEN mais HULK qui sommeillait en moi depuis le début. Mais au final comme c'était efficace, on m'a laissé tranquille. L'avantage c'est que même si vous n'avez jamais fait ça avant, quand vous n'avez pas de péridurale, vous sentez tout et votre corps lui,  sait quoi faire. On est programmé pour ça. Le plus oppressant est de ne pas se sentir soutenu par les soignants qui vous donnent des directives qui ne vous conviennent pas, ne vous accompagnent pas et vont jusqu'à vous appuyer sur le ventre (quelle idée quand ca descend tout seul ?).

On m'a reproché même de crier quand j'ai eu mal... "Madame, chut, vous allez effrayez les autres femmes". J'avais oublié, le secret.

J'ai bien eu l'impression de faire "caca" à un moment (c'était une  des angoisses débiles de femme enceinte, avec celle que mon bébé soit moche). Mais non, c'était juste une impression.

J'ai pesté des mots odieux, j'ai crié... Je n'etais pas moi-même.

La tête est passée, et c'est comme si on me brulait au chalumo. Indescriptible.

Une épisio, et ma fille est dehors. Je n'ai plus mal. Non plus du tout. C'est même bizard de passé en une seconde à deux extrêmes.

Elle est là sur moi et plonge ses yeux dans les miens. Je suis comme dans une bulle : je ne vois plus les soignants, ils ont comme disparu de mon souvenir. Je n'entends plus l'agitation, le vent dehors. C'est calme. Je suis apaisée, j'ai repris possession de mon corps. Ma fille est belle, elle douce.

Mais on l'a prend, alors qu'elle va bien. Pourquoi : fin du service, rotation des gynécologues et des sages femmes. Nouvelle garde. Pas le temps ...

Le gynécologue arrive. L'anesthésiste aussi .. Trop tard madame l'anesthésiste!

Puis, on me délivre du placenta. Et on me recoud sans péridurale, ça fait mal. Ignore-t-il la souffrance des femmes à ce point ?

Ca ne dure pas longtemps. On ne m'a pas rendu ma fille. On l'a posé dans son lit à côté. Dans un lit transparent : enfermé mon bonheur, ma vie dans un tit tupperware à côté de moi.

Et j'ai soudain l'impression que ce moment a été trop dur. Je n'ai pas géré. Je suis passé à côté. J'ai subi. Je me sens mal. Je ne me sens étrangement pas mère : pourquoi ma fille est dans son lit et pas sur moi pour que je la caline. Pourquoi elle n'a pas de tétée de bienvenue comme dans les documentaires que j'ai vu : moi je veux allaiter... Et comme une jeune mère en proie aux doutes, je n'ose pas la prendre sans qu'on me dise que j'ai le droit. Alors je me contente de la regarder à travers le plexi. Je suis épuisée. Je me sens mal et vidée.

On me ramène à ma chambre en fauteuil, car ma jambe droite est comme morte, endolorie. Et on me fait savoir que "c'est normal, ca arrive que la péridurale mal posée parte d'un côté". Donc pas le droit de me lever, pas le droit de marcher, pipi au bassin même si ça pique avec l'épisio.

Voilà, mon témoignage un peu dur mais tellement vrai de mon accouchement déclenché et bien trop médicalisé à mon goût. Je suis mère, je suis  heureuse. Cela restera à la fois le plus beau moment de ma vie et le pire. Je ne l'oublierai jamais.

J'espère que mon prochain accouchement sera plus naturel, que l'équipe soignante sera plus accueuillante de mes besoins et de mes désirs. Et une chose est sure, je l'aborderais différement et j'oserai m'imposer pour que plus jamais je me sente volé de cet instant magique.

Un mot pour mon conjoint sans qui je n'aurai pas réussi  à passer cette épreuve, et à ma fille de m' avoir comblé de joie pour toute ma vie entière en un regard. Je t'aime ma vie.

Etre mère, accoucher ça fait peur. C'est normal. Je ne cesserai jamais d'être angoissée car quand on détient le beau trésor que la vie puisse offrir on est sans cesse dans l'inquiétude de bien faire et de jamais le perdre. Car ma vie à moi à commencé ce 23 août 2010 18h40.

Aurélie.

 

 

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50 pts

Commentaires

  • Karinek Votre récit est magnifique et plein de vérité! J'ai été très touchée par vos mots... Votre fille peut être fière de sa maman!
    il y a presque 10 ans
  • Lexia Je comprend parfaitement votre ressenti car très similaire au mien, surtout face au comportement du personnel de la maternité et de ses remarques souvent mal placées!!! Merci pour ce témoignage
    il y a presque 10 ans
  • Evita2105 Très beau récit, très touchant et bien vrai! Je n'ai pas été déclenchée et j'ai eu la chance d'être bien entourée au moment de mon accouchement et de pouvoir profiter de ces deux heures de peau-à-peau essentielles mais la partir péridurale qui ne fonctionne pas, travaille qui va trop vite et toutes les sensations que vous avez décrites me rappellent mon accouchement! Je vous souhaite un accouchement de rêve la prochaine fois.
    il y a presque 10 ans
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