Le bébé rêveur
Voilà un mois que "j'ai" accouché.
Ma grossesse a été idéale, un bébé en pleine forme qui se présentait la tête en bas dès le 7ème mois.
A l'approche du terme l'impatience me ronge mais rien ne se passe. Je marche, je fais des kilomètres en voiture...le jour J est arrivé, rendez-vous à la clinique pour le contrôle du jour du terme. Le col n'est pas favorable du tout, aucune contraction mais bébé va bien. On reporte donc de deux jours, déclenchement au gel programmé.
Je voulais un accouchement sans péridurale, un peau a peau à la naissance, je voulais allaiter mais voilà on a pas toujours ce qu'on veut.
J'arrive le 7 août à la clinique en commencant à me faire à l'idée d'un déclenchement long et douloureux c'est le début des renoncements...je renonce au naturel pour entrer dans l'hypermédicalisation.On m'annonce très vite que quelque chose ne va pas sur la radio pelvimétrie passée deux jours plus tôt, le bébé a la tête en bas mais défléchie, il regarde vers le haut. Les bébés rêveurs c'est leur nom. Un bien joli nom mais un accouchement par voie basse impossible.
Me voilà donc à J+2 au bord de la crise et admise pour une césarienne d'urgence le matin même. Tout va très vite on me donne une chambre et deux heures plus tard je suis en route pour le bloc terrorisée, je n'ai jamais été opérée, pas même un point de suture et c'est ma phobie. A celà s'ajoute la peur de l'inconnu, de la rencontre avec bébé.
On me pose une perfusion, on me lave à la bétadine, on me pose une rachianesthésie. L'anesthésiste est formidable je n'ai pas mal c'est terminé avant même que je m'en rende compte. On installe le champ opératoire et on me pose une sonde urinaire. L'équipe est formidable me voilà installée j'attends mon obstétricien et le papa qui a obtenu le droit d'assister à l'opération.
Je fais une réaction au produit de la rachi, j'ai envie de vomir et je perds connaissance, l'anesthésiste est intervenue rapidement je reprends mes esprits, je plane complètement on me donne un masque. Le papa arrive à ce moment là avec notre médecin c'est un soulagement de ne plus être seule. L'équipe attend quelques minutes que je me stabilise et on nous annonce que l'on va couper. Ca bouge, on tire sur mon ventre, on aspire et à 13h13 le premier cri... un cri qui me claque au mur qui me terrasse, les larmes explosent la pression retombe. Je l'entends mais je ne la vois pas, on me dit qu'elle va très bien. Je veux juste la voir mais l'attente est longue. Enfin on nous l'apporte dans une couveuse, je ne comprends pas pourquoi, c'est un beau bébé tout rose de 3kg850 et 51cm qui a respiré tout de suite seul pourquoi on ne me le tend pas pour un petit bisous. Elle remonte très vite au service des suites de couches avec son papa et je reste au bloc pour la fin de l'opération.
Je suis installée en salle de réveil, je lutte pour bouger au plus vite et remonter avec eux. Très vite la douleur est omniprésente je comprends que le séjour va être difficile. Je peux rentrer dans ma chambre deux heures après mon accouchement on m'apporte le bébé toujours dans une couveuse. Je ne peux pas l'attraper je suis clouée au lit pour les 24 prochaines heures même me redresser est impossible. Ce n'est que 3 heures après sa naissance que je vais pouvoir enfin porter ma fille, après avoir quémander pour qu'on me la donne. C'est enfin le bonheur et la panique aussi. Le soir arrive rapidement et le papa doit partir, je me retrouve seule immobile avec un bébé à ma charge. Je fais tout ce que je peux pour m'en occuper, j'essaye d'allaiter mais pour celà il faut sonner toute les heures pour qu'on me l'installe. La douleur est terrible je renonce rapidement. La vérité c'est qu'on ne choisi pas son accouchement, on ne choisi rien on fait ce qu'on peut pour pas se noyer dans les émotions, la douleur, la peur.
Mon bébé est très calme heureusement, je refuse de la confier pour la nuit je me débrouille: oui sa couche est sale, non elle n'aura pas de tetée ni de calins je ne peux pas la porter. Elle se contente de quelques caresses sur la joue, elle me fais de la peine. Je suis très seule, l'équipe est débordée et je n'ose pas sonner.
Une césarienne ca altère le lien avec bébé, j'avais (et j'ai toujours) l'impression que ce n'est pas mon bébé, que ce n'est pas le même que dans le ventre, je ne réalise pas qu'elle est là parce que pour moi je n'ai pas accouché j'ai été opérée. Il n'y a pas d'instinct maternel presque pas d'amour en réalité. La vérité c'est que c'est un apprentissage rien n'est inné dans la maternité.
Une césarienne c'est la frustration et la culpabilité à l'état pur. La frustration de ne pas pouvoir donner le meilleur à son bébé, de ne pas pouvoir s'en occuper, d'avoir raté ses premières heures, de ne pas avoir eu l'accouchement rêvé. La culpabilité de ne pas avoir été capable de faire comme toutes ces femmes. A celà s'ajoute la douleur: marcher, dormir, s'assoir, éternuer, tousser, pleurer, porter bébé tout celà me lassère les entrailles. Et je dois dire que un mois après la douleur est toujours là.
Je m'étais préparer au pire mais je n'étais pas prête à vivre ça. J'ai tellement mal vécu cet accouchement que j'ai renoncé à l'idée d'avoir un jour un autre enfant. La peur de subir à nouveau une césarienne est trop grande.
Pour mon bébé et moi il est temps maintenant de réparer ce qui a été cassé: le lien.


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