Un accouchement à 31 sa 5j, sans préparation et sans péridurale

J0, vendredi 30 septembre 2016 en soirée
Je lis quelques récits d’accouchement sur le site des p’tits mwana en me tortillant sur ma chaise. J’ai des crampes au ventre. Probablement pas anormal, j’entame bientôt mon 8eme mois de grossesse. Une première grossesse pour moi qui se passe correctement, rien à signaler à part mon estomac qui m’en a fait baver et une résistance un peu élevée à une des artères utérines (qui n’a pas l’air de poser problème puisque le bébé grandit parfaitement). Encore 2 mois devant nous…
J1, samedi 1er octobre
Je me réveille reposée après une bonne nuit. Tiens, mon pantalon de pyjama est mouillé, je me lève…
Et floutch.
Mon pyjama est trempé, ça dégouline entre mes jambes. Qu’est-ce qui se passe ? J’ai perdu les eaux ? Ce n’est pas possible ! C’est dans 2 mois que je dois accoucher ! Deux longs mois… Rien n’est prêt, on n’a pas encore de prénom, pas encore commencé la préparation à l’accouchement. C’est trop tôt. Le bébé qui gigote toujours ne bouge pas ce matin, pas du tout. Mauvais moment.
Je réveille mon compagnon, « on a un problème »… Je n’ai pourtant jamais eu de fuites urinaires pendant ma grossesse, est-ce que ça peut apparaître d’un coup comme ça ? Je file à la toilette avec une serviette, je suis trempée, il y a une sorte de mucus sanguinolent sur ma cuisse. Le bébé ne bouge pas.
On tourne comme des poulets sans tête dans l’appart, je m’habille, je prends les photocopies de mon suivi de grossesse et une serviette. C’est tout. Direction l’hôpital à pied, heureusement c’est à 100 mètres. Dans l’ascenseur, un futur papa de belle humeur qui vient rejoindre sa femme. Il lit sur nos visages qu’il ne faut pas nous interroger. Le petit coco ne bouge toujours pas dans mon ventre.
A l’hôpital, le monitoring est vite placé. Tout va bien, le bébé va bien. C’est confirmé, j’ai bien perdu les eaux et mon col est court, 19 mm. Mon ventre est devenu tout petit. Je dois m’allonger et rester allongée aussi longtemps que possible. Gagner du temps, des heures, des jours, des semaines. Je prends des médicaments anti-contractions, je reçois une perfusion avec des antibiotiques et une piqûre de corticostéroïdes pour hâter la maturation des poumons du bébé. Je vais à la toilette couchée. Je pense que je ne pourrai pas aller travailler lundi, et rien n’est prêt au boulot pour mon départ en congé de maternité.
On attend, j’ai de temps en temps quelques contractions espacées. Mon compagnon va vite acheter un coussin d’allaitement, des fruits et 2 t-shirts XXL : voilà ma valise pour la maternité.
J2, dimanche 2 octobre
Après examen, il s’avère que mon col s’est encore raccourci, 1 cm. Les médecins veulent mon transfert dans un hôpital équipé d’un service de néonatalogie intensive. L’hôpital de mon quartier ne peut pas prendre en charge les si petits bouts, les grands prémas… Je pars en ambulance dans l’après-midi, mon compagnon en voiture. Je passe la soirée en salle d’observation dans le quartier des accouchements. Ici pas de précautions particulières, je peux me lever pour aller à la toilette. A ce moment-là, c’est incompréhensible pour nous, angoissant même. A posteriori, je comprends que l’hôpital est équipé pour accueillir les prémas extrêmes : si mon fils doit sortir, qu’il sorte donc.
Mon col n’a pas bougé, pas trop de contractions, état stable. Vers 1 h du matin on me transfère épuisée dans une chambre. La nuit passe comme un rêve, ponctuée toutes les 30 minutes de grosses contractions longues et douloureuses, entre lesquelles je sombre.
J3, lundi 3 octobre
On vient me faire une prise de sang pour voir si j’ai droit à la péridurale.Vers 8h45, l’infirmière me connecte au monitoring. Je demande que faire quand les contractions arrivent : normalement je devais avoir mon premier rendez-vous de préparation à l’accouchement ce matin-là. On convient de laisser le monitoring 40 minutes pour être sûr d’enregistrer des contractions.
Mais tout de suite, les ceintures m’écrasent le ventre, et j’ai de plus en plus de contractions, violentes, interminables, toutes les 7 minutes, 5 minutes, 3 minutes, presque en continu... Je ne comprends pas pourquoi on ne me libère pas, ça fait bien plus que 40 minutes. Je ne sais pas encore si je vais accoucher aujourd’hui, demain ou passer plusieurs semaines allongée à freiner les choses. Mon compagnon va plusieurs fois chercher l’infirmière dans le couloir… Je sens que ça pousse, très bas, sur mes intestins. Vers 10h45, je me retrouve enfin avec 3 blouses blanches à mon chevet qui me posent des questions. Je ne peux plus répondre, ou seulement une syllabe dans un souffle que mon compagnon retranscrit et traduit pour le personnel médical. Je fais signe que le bébé est bas. Les blouses blanches délibèrent un instant, et on me descend en salle d’accouchement.
Là un assistant docteur m’examine. Mon col est ouvert de 10 cm, paraît-il. 10 cm ? Je sais ce que ça veut dire. Mon compagnon pas, car il demande si on a déjà les résultats des analyses pour la péridurale. Beaucoup trop tard, monsieur, il n’est plus du tout question de péridurale à ce stade. La gynéco arrive, on vérifie comment est placé le bébé et hop sur la table d’accouchement. Qu’est-ce que je dois faire ? Je reçois mon premier cours de prépa à l’accouchement, directement aux travaux pratiques. Je ne sens presque plus la douleur, j’ai trop peur pour mon bébé qui vient si tôt. En 4 contractions, une dizaine de poussées, mon fils est sorti. Cette fois, il ne me fait plus de mauvaise blague. Il a les yeux ouverts et il pleure, je suis un peu soulagée.
Les blouses blanches l’emportent tout de suite pour le stabiliser, mon compagnon les suit. Assistance respiratoire, capteurs de fréquence cardiaque et respiratoire, saturation en oxygène, perfusion dans le cordon,… Mon bébé se transforme sous ses yeux en hérisson.
Pendant ce temps je rame un peu à expulser le placenta. A défaut d’avoir mon bébé, j’ai finalement l’occasion d’admirer mon placenta bipartita en détail et je reçois un petit cours d’anatomie improvisé.
Puis le docteur de néonat arrive avec une couveuse avec mon petit hérisson. Très pro et rassurant, il nous explique ce qu’il se passe en 1 minute chrono. Il me donne l’impression que les choses sont sous contrôle. 1 kg 700, ouf, on est au-dessus des 1 kg 500 menaçants. Mon petit coco est posé 30 secondes sur ma poitrine, mais sa nuque pend en arrière, je sens que ce n’est pas confortable pour lui. Je suis un peu soulagée et il part vers la néonat avec mon compagnon.
Une stagiaire vient m’apporter un plateau repas en salle d’accouchement et je déguste mon premier jambon cru depuis des mois, couchée au milieu du champ de bataille, seule. Au bout de 2 heures, je suis amenée en maternité. Seule encore, car mon compagnon est perdu dans l'hôpital. On me montre comment tirer mon colostrum. Puis je dévalise le « salad bar » de la cafétaria, et enfin, en fin d’après-midi, on peut aller en néonat. Mon fils a l’air malheureux et meurtri dans sa grande couveuse au milieu des bips et des sifflements de l’assistance respiratoire. On le pose sur mon torse et il a l’air de se sentir bien. Moi je retrouve ses petits pieds et les fesses que je sentais dans mon ventre. C’est bien lui. Son bracelet d’hôpital mentionne juste « garçon », mon petit coco n’a pas encore de prénom.
J’ai donc eu un accouchement rapide par voie basse, sans aucune préparation. Je m’attendais à une douleur bien pire. Je pense que l’angoisse et la rapidité l’ont rendue supportable. Pas de péridurale, pas d’épisio, pas de déchirure… Peut-être le seul avantage d’avoir mis au monde un petit, si petit bébé. Paraît que j’ai eu de la chance, en cas d’accouchement très prématuré, on n’hésite pas à couper au moindre doute. Dans le fond, ça ne s’est pas trop mal passé pour mon corps. Pour ma tête, ça a été moins drôle.
Notre petit Maxim a passé exactement 2 longs mois en néonat, mais c’est une autre histoire. Aujourd’hui tout va bien, il est à la maison depuis 15 jours, je l’entends râler sur ses crampes en ce moment même à mes côtés :-)


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